Les Conteurs du Ponant

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Le Crépuscule Du Scorpion

lundi 14 janvier 2008 par kachimatte

Le Crépuscule Du Scorpion

La nuit était froide et transparente. La petite bâtisse isolée au fond du parc enneigé se détachait de la pénombre à la seule lumière d’une fenêtre faiblement éclairé. Le son cristallin d’une petite chute d’eau, au loin, troublait seul le silence qui régnait. Nulle vie ne semblait hanter ses lieux et même un observateur attentif n’aurait pu distinguer parmi les ombres les dizaines de silhouettes immobiles et sombres qui impassibles scrutaient inlassablement les alentours. La neige recouvrait le tout dans une immobilité parfaite. Le pavillon, habituellement utilisé par ses visiteurs, comme sanctuaire pour célébrer l’art du thé était aujourd’hui le siège d’une cérémonie particulière. Particulière par l’importance de ses participants, par la teneur des propos qu’ils échangeaient, dont même les murs n’oseraient conserver le souvenir. La pièce était éclairée par les lueurs dansantes d’un foyer placé sur le côté de la pièce. Une petite table basse où achevait de se consumer un bâtonnet d’encens trônait au centre de l’assemblée. Face au vieillard suranné dont le port digne et le front inquiet reflétait la lumière de l’Empire dont il était l‘incarnation, se tenait droit, sa face cachée, comme le clamait à la face du monde son masque dissimulant ses difformités dont nul ne pouvait témoigner les avoir contemplées. Entre les deux hommes se tenait celle qui les unissait en dehors du seul rapport de puissances. Femme louée pour sa beauté, conseillère de l’héritier du Trône d’Emeraude et craint pour ses compétences reconnues de manipulatrice qui avaient faits d’elle l’épouse du seigneur du clan des secrets, redouté et honni à travers tout l’Empire. Le silence, qui durait depuis de longues minutes, fut interrompu par le vieil homme.
- Je pense qu’il est vain de vous demander si vous êtes sur de vos informations seigneur Bayushi. L’immobilité et la fixité du regard de son interlocuteur répondirent bien mieux que n’aurait pu le faire n’importe quel discours respectueux de l’étiquette.
- Oui, bien sûr... Comment penser que vous ne vous soyez assuré de tout avant de m’en faire part. Il se mit à s’éventer doucement avec un éventail laqué illustré de fleurs de chrysanthème semblant voler dans un vent invisible.
- De combien de temps disposons-nous, Bayushi Shoju-san ?
- Nous n’en savons rien Hanteï-sama. Le groupe est doté d’une incroyable patience et ne semble pas inquiet du temps qu’il faille à la réalisation de leur projet. C’est cette patience et cette lenteur volontaire à déplacer leur pièce qui est la source de leur découverte tardive. Le plus sage des moines ne peut remarquer le mouvement inexorable de l’arbre poussant jour après jour au milieu d’une forêt. - Je comprends tout à fait. Votre famille n’a pas failli, Bayushi-san. Vous conservé toute notre confiance Que comptez vous faire ? Le maître du scorpion jeta un regard vers son épouse à son côté. Celle-ci ôta, délicatement son kimono, jusqu’à la taille, découvrant son corps splendide aux yeux des deux hommes indifférents à sa beauté. Elle s’allongea doucement face contre terre. Bayushi Shoju prit doucement un fruit rarement aperçu au Rokugan, il avait la couleur d’Amaterasu et la forme d’une petite mangue. Il le trancha en deux et fit couler le jus dans un petit bol dans lequel il rajouta une poudre ocre qu’il mélangea. Il versa le liquide ainsi obtenu sur tout le dos de sa compagne. Progressivement, des volutes semblant être dotées de vie apparurent sur le les courbes raffinées de la jeune femme. Pour finalement former une calligraphie fine et subtile. Shoju encouragea son suzerain à prendre connaissance des grandes lignes de l’état de l’empire, des évolutions probables et des pistes dessinées par les Maîtres du scorpion pour remédier à la situation à laquelle l’empire se trouvait confronté. L’empereur tandis une main décharnée pour suivre les méandres des fines circonvolutions bleutées, nées de l’art accompli d’un maître tatoueur d’exception. Seul le regard exercé, dissimulé derrière son masque, de Bayushi Shoju pouvait relever le trouble dont était la proie le vieil homme faisant imperceptiblement trembler la main s’approchant de la peau nacrée de la jeune femme. Après avoir achevé de parcourir les entrelacs du plan exposé à son regard, il retira sa main avec le battement de cil de retard à ce qu’il n’aurait fallut. Un dernier regard sur le dos superbe offert à sa vue, à son service puis il revint croiser le regard du daimyo.
-  Une technique subtile et éclairée, l’artiste appartient à votre maison ? J’y crois reconnaître la marque de la maison Togashi.
-  Haï Sama, votre œil est perspicace. Un présent de Togashi Yokuni à votre service mon seigneur. Un moyen de sa part pour vous indiquer qu’il a connaissance de ses dires et vous les confirmer
-  Etes vous sur de lui, le dragon est si difficile à appréhender !
-  Haï Sama, il m’est impossible de mettre en doute la loyauté du daimyo du clan du Dragon. Nous avons la preuve qu’il ne peut être atteint par les conspirateurs. Je douterais de moi-même et de mon épouse avant d’avoir la moindre suspicion quant à la loyauté à votre égard de Togashi…Sama. Un haussement de sourcil du vieillard fut la seul marque d’étonnement face à cette anormale marque de respect à l’égard du daimyo isolée dans ces montagnes.
-  D’autres personnes sont au courant ?
-  Togashi Yokuni-san, mon épouse, mon frère, moi-même et votre seigneurie. Si mon suzerain doute de la confiance placée en une de ces personnes, il sera immédiatement fait en sorte que le secret soit préservé. Hanteï XXXVIII garda le silence quelques secondes, posa les yeux sur Bayushi Kashiko, fixa l’ombre au fond de la pièce d’où rien ne perçait, s’arrêta finalement sur Bayushi Shoju.
-  Nous avons toute confiance en vous, seigneur Bayushi et ceux en qui vous avez placé votre confiance. Bayushi Shoju et Kashiko s’inclinèrent devant l’honneur dont leur témoignait l’Empereur.
-  Que suggérez-vous de faire désormais ?
-  Il vous appartient, mon seigneur de nous éclairer sur la voie à suivre.
-  Votre descriptif sous-entend une solution que vous auriez entrevue.
-  Hantei-sama, je ne peux suggérer de moi-même la solution qui s’offre à mes yeux. Elle implique un sacrifice que m’a famille à déjà fait par le passé jusqu’à ce jour, et provoquerait des bouleversements à l’échelle de l’empire. Mon cœur saigne de vous soumettre une telle extrémité mais je n’en vois pas d’autre à ce jour. L’Empereur se perdit quelques instants dans ses réflexions, puis semblant parler à lui-même.
-  Le même sacrifice que notre ancêtre le kami demanda au votre… Mais ne sommes nous pas déjà à l’aube de tels bouleversements. Dans le cas où nous emprunterions cette voie, vous ne pourrez supporter seul cet effort. Qui devrait être à vos côtés pour sauver l’Empire ? Après quelques instants de silence, Bayushi Shoju fixa l’empereur du regard et prit une nouvelle fois la parole, masquant la tension sous le voile d’un calme et d’une sérénité apparente.
-  Akodo Toturi-san serait la clef de voûte de notre plan d’action, seul ses qualités tactiques, stratégiques et son statut nous apporterons la clef du succès en deux temps.
-  Comment un homme seul pourrait-il nous garantir la victoire ? Fut-il Akodo Toturi lui-même ?
-  Son statut et son apparente déchéance finaliseront le rideau de fumée que notre disparition aura crée, ouvrant la voie à nos ennemis et le mettant en réserve pour le combat final.
-  Seul ?
-  Il trouvera les ressources nécessaires au combat. Togashi Yokuni l’y aidera.
-  Etes vous sûr de vos projections ?
-  On ne peut jamais être sûr des caprices des Fortunes Sama. Mais c’est le plan offrant le plus de garantie de succès et au regard du prix que mon clan devrait payer, je ne le soumettrais pas à votre attention si je n’y accordais pas toute ma confiance ou si je disposais d’une autre possibilité.
-  Vous avez raison mon ami. Nous ferons selon votre plan.
-  Seigneur, me demandez-vous, après avoir sacrifier mon nom, de sacrifier mon clan à votre service ?
-  Oui mon ami, je vous le demande. Et croyez bien qu’il nous en coûte de demander une nouvelle fois un tel sacrifice à vous dont la loyauté fut sans cesse éprouvée et constamment réaffirmée.
-  Haï, Sama ! Il sera fait selon vos désirs. Nous sommes et serons toujours vos plus indéfectibles serviteurs. La décision prise, tous trois continuèrent encore durant des heures et jusqu’au prémices de l‘aube à régler tous les détails, de ce qui deviendrait : « Le Crépuscule Du Scorpion »



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