Les Conteurs du Ponant

Première patrouille

lundi 9 juin 2008 par jarran29

Récit dans le monde de Mercenaris. C’est une patrouille extra-système menée par le Consortium de Valdimi en 3856. La technologie y est plus avancée qu’à l’époque jouée.

Je vais vous raconter l’histoire du Lord Avalon, fleuron technologique du Consortium de Valdimi. Je n’étais qu’aspirant-officier en armement sur la frégate lourde Juste Marie. C’était ma première mission de patrouille extra-système.

***

« Ici SSGA1. A Lord Avalon. Champ libre pour quitter l’orbite haute.
_ Reçu. Vecteur directionnel : 000-235-050. Direction Midfon.
_ Confirmé en 000-235-050. Bonne chance Avalon. SSGA1 terminé. »

Ce fut la dernière communication entre le croiseur de bataille Lord Avalon et la station de surveillance et de gestion aérospatiale nord.

***

« Amiral ? demanda un navigateur. Direction ?
_ Orbite large de Midfon, puis direction Lunimia. Le groupe d’escorte Phidias nous rejoindra au large de l’anneau de Thor.
_ Bien amiral. Orbite large de Midfon. »

Le croiseur gîta sur tribord en sortant du champ satellitaire de Valmiki, sa planète de construction, et accéléra vers l’autre planète habitée du système.
Dans le central de commandement, alors que les navigateurs s’affairaient à vérifier les vecteurs de déplacements des autres navires alentours, les officiers en armement et les opérateurs radar livraient une guerre aux vaisseaux civils du système, localisant, verrouillant, et détruisant administrativement toutes les cibles pouvant rentrer dans le cadre d’une simulation. Le vacillement de l’alimentation ramena le calme, et tout le monde qui n’était pas assis saisit une poignée de suspension pour ne pas chuter à l’accélération du vaisseau.

Les tuyères secondaires s’éteignirent, laissant le croiseur glisser dans le vide sur sa lancée, avant que la propulsion principale ne s’active, et fasse accélérer le vaisseau à une vitesse de croisière intra-système de dix kilomètres par seconde.

***

« Ouvrons donc notre ordre de mission messieurs. »
Les officiers présents approuvèrent de la tête la proposition de l’amiral, et prirent leur enveloppe au sceau du Consortium. Dans un concert de bruits de papiers, l’Etat-major du Lord Avalon découvrit sa mission.
« Ah ah ah ! fit l’Amiral, l’œil pétillant. Secteur de Gyh’Bal. Il y a une planète là-bas… On y passera peut être. »
Les officiers rirent un peu forcés, comprenant l’allusion quant à cette planète au mœurs pour le moins incorrects, mais ne trouvant pas spécialement drôle le fait d’y aller. Le silence revint, et chacun relu, comme de coutume, plusieurs fois le courrier officiel qu’ils avaient entre les mains avant d’en parler.
« Donc c’est encore à nous de nous taper des pirates ?
_ Ce ne sont pas des pirates. Enfin, pas exactement.
_ Ah si ! Le Crâne Rouge est une organisation de flibustiers spatiaux qui attaquent les navires marchands et les captures au cours de féroces abordages.
_ Oui, vu comme ça… Mais c’est surtout un groupe de mercenaires armés et payés par Gaïa, la multiplanètaire du commerce, afin de se donner comme incontournable quand à la sécurité du transport…
_ Des corsaires, des pirates, des voleurs… grogna l’amiral. Ca n’a pas d’importance. Ce sont des criminels. Et en tant que tel, nous devons les empêcher de nuire, et c’est à nous de protéger les voies commerciales.
_ Mais Gaïa est…
_ Nous avons nos ordres. Nous les exécuterons. Ce n’est pas à nous de réfléchir. Nous avons même l’emplacement de leur repaire. Alors cessons de poser des questions, et allons y.
_ Dans le Nuage Affligé ? hoqueta un officier de navigation. Mais c’est du suicide !
_ Pas de commentaire ! Exécution ! »

***

« Il y a un truc qui colle pas là…
_ Pardon mec ?
_ Y a un truc qui colle pas dans l’alim’ du process’ de maintien du bouclar’, au niveau de la proue. Viens voir.
_ Yep, j’arrive. »
Le technicien en électronique de puissance quitta son caisson où il travaillait pour glisser sous le générateur linéaire de bouclier.
« Où ca ?
_ Là.
_ Mhh… Je ne vois rien de dérangeant.
_ Bin, c’est pourtant bizarre, le module d’entrée est relié directement au coupleur via le bloc 6. Alors qu’il me semblait qu’avant, il passait plutôt par le bloc de contrôle quoi…
_ Ils ont changé l’interface il y a peu, ils ont dû revoir les câblages aussi. Ca me semble plus clair comme ça…
_ Ca l’est, mais c’est troublant.
_ La technologie évolue, faut s’y habituer. Sinon, on serait encore avec les vieux écrans à condensateurs, qui marchaient une fois sur deux et qui vidait le réacteur d’un coup… »

***

« Groupe d’escorte Phidias en approche, par votre tribord. Demandons autorisation de se mettre en formation creuset.
_ Reçu escadron Phidias. Formation creuset refusé. Formation diamant requise. Bienvenue parmi nous.
_ Merci. Avalon. Formation diamant confirmé. On se place. Terminé.
_ Terminé. »

Le format creuset était l’équivalent spatial de l’échelon terrestre. Une simple rotation de la formation sur 90°, et elle possédait un nouveau front orienté. Ajouté à quelques manœuvres classiques de glissement, cette formation était l’idéal pour les patrouilles, et les charges au travers des champs de batailles spatiaux. Au contraire, la formation diamant était le fer de lance des assauts brutaux, et une formation de parade. Changer de ligne de front nécessitait de larges virages, mais les canonnades de flanc étaient bien plus concentrées. Par contre, la formation diamant neutralisait l’utilisation des batteries d’armes orientées vers l’intérieur la plupart du temps.

Le groupe Phidias arriva par le tribord arrière du croiseur, vira de 45° et calqua sa vitesse sur le Lord Avalon. La frégate lourde Juste Marie se positionna en arrière bâbord. Le destroyer Atlas vint se mettre en retrait, au dessus de la poupe du croiseur, pour offrir un meilleur angle de détection à ses radars surpuissants. La frégate missilière Impératrice se plaça à l’opposée de la Juste Marie, sur l’avant, et en dessous de la ligne de l’escorté, afin de dégager un large arc de tir pour les nombreux missiles embarqués.

***

« Capitaine ! cria l’officier radar de l’Atlas. Venez voir.
_ Qu’y a-t-il lieutenant ?
_ Là… »
Il montra du doigt une traînée sur l’écran.
« On dirait des débris…
_ Faites un scanner de spectrométrie.
_ Déjà fait. Acier, carbure tungstène, et hydrocarbure.
_ Une épave ?
_ Rien d’apparent. L’effet nuage bloque les retours.
_ Augmentez la puissance du Rideau.
_ Je suis déjà à 90% monsieur…
_ Et bien, passez à 100%. Et si ca ne suffit pas, passez à 110%. »
L’officier eut un hoquet, avant de répondre.
« Euh… Bien capitaine. »

L’opérateur radar pianota quelques commandes, et attendit la réponse.
« Rideau à 100%... Echos solides en retour. Evaluation impossible. Il y a trop de fuzz. Passage à 110%. Premier passage… Radar opérationnel… Echos confirmés… Second passage… Augmentation de la température des diodes… Echos verrouillés ! Refroidissement du radar, descente à 75% de la puissance, ouverture des vannes de ventilation. »
L’imprimante cracha ses rapports, et l’officier de pont les prit.
« Une épave de classe Margaret… Même si c’est un piège, on ne risque rien… »

Les vaisseaux de classe Margaret étaient de gros cargos marchands, faiblement armé et propulsé par les premiers moteurs à ions de grande envergure. Disposant d’un énorme tonnage, ils faisaient office de vaisseau marchant extra-système… Leur production avait cessé deux cents ans auparavant avec l’arrivée du Gentiane et furent très vite déclassé par rapport à leur vitesse ridicule.

« Monsieur, j’entends un transpondeur d’actif ! Fréquence Kappa-Bravo-Papa.
_ Ça ne me dit rien…
_ Elle est classée dans les fréquences basses… C’est un canal pirate monsieur. La balise est assez faible… Elle doit avoir dans les deux mois…
_ Officier radar ?
_ Je confirme. L’épave est totalement froide, mais il reste de l’énergie dedans.
_ OK. Je prends contact avec le Lord Avalon. Officier aux communications, ouvrez un canal vocal et un autre data. On leur envoie nos données.

***

« A tous les vaisseaux. Branle-bas de combat ! Nous allons voir ça de plus près. Soyez prompte à réagir. »

***

La patrouille glissa silencieusement vers l’épave. Très rapidement, le nuage de poussière se mit à scintiller en reflétant les lueurs bleutées des propulseurs. Les multiples cristaux d’hydrocarbures et les poussières de métal formaient un formidable barrage radar et visuel, et malgré la puissance des radars embarqués, le rapport des dégâts ne put être fait.

***

« Rompez. Retour à la normal. Reprise du vecteur vers le Nuage Affligé. »

***

« Attendez… souffla l’officier radar du Lord Avalon. Merde ! Ca bouge !
_ Qu… Quoi ?
_ Ca bouge amiral… Trois… Non… Cinq vaisseaux ! Classe inconnu. Type corvette lourde.
_ Préparez les armes ! Faites sonnez l’alarme et videz les compartiments sans personnel. Abaissez les cloisons pare-feu.
_ Ils se préparent à tirer mon amiral… Oh putain… Ils visent notre proue ! Armes à plasma ! Tir dans trois deux un top ! Impact dans dix secondes !
_ Propulseur d’urgence d’étrave ! TOP ! »

Une violente secousse ébranla le croiseur à l’allumage des propulseurs électrochimique, et le Lord Avalon plongea pour éloigner sa proue des traits de plasma. Ceux-ci passèrent au dessus du vaisseau, surchargeant le radar millimétrique. Une seconde secousse propulsa en avant le croiseur.

« Affichage caméra arrière ! »
L’écran principal changea, et s’emplit d’une carcasse rougeoyante et complètement déformé…
« L’Atlas… chuchota l’officier au communication, avant de baisser la tête vers sa console. Amiral ! L’Impératrice nous demande de dégager le champ, qu’elle envoie une bordée.
_ Faites. Préparez la batterie de proue. On va leur envoyer un flash. Que fait la Juste Marie ?
_ Ils ont enclenchés leurs propulseurs de rotation, et chargent leur canon principal.
_ Rapport sur l’état du moteur !
_ Peu de perte, à peine 5%. Mais les ponts arrière sont criblés de partout… C’est un vrai gruyère. Pas d’incendie de déclarer.
_ Rapport de chargement ? demanda l’amiral.
_ Tir dans dix secondes monsieur, répondit l’officier d’armement.
_ Volée de missiles partie, annonça l’opérateur radio.
_ Combien ?
_ Tout leur premier pont…
_ Ah quand même… Affichez ca sur l’écran trois. Où en est la Juste Marie ?
_ Leur canon à impulsion est chargé.
_ TIR ! cria l’officier d’armement. »

La lumière vacilla un instant dans le Lord Avalon, alors qu’une des corvettes ennemies explosa dans une gerbe de lumière. Peu de temps après, la vague de missiles frappa deux autres vaisseaux pirates, mais les explosifs détonnèrent avant de toucher la coque. Une des corvettes présenta son flanc dans une manœuvre brusque, et lâcha une bordée de plasma bleuté sur le croiseur.

Une voile de parasite couvrit les écrans du croiseur alors que la Juste Marie toute proche faisait enfin parler son canon principal. La cible n’eut pas le temps de quitter sa trajectoire. Un projectile de plusieurs tonnes chauffé à blanc perfora sa proue et perça de part en par la corvette. Elle explosa dans une gerbe de plasma incandescent.

« Activez le bouclier magnétique, et rechargez les batteries laser, ordonna l’amiral.
_ A vos ordres firent en cœur les opérateurs défensifs et d’armement.
_ Ils vont rouvrir le feu Amiral… Ils nous visent le centre cette fois ci…
_ Rompez la formation…
_ Quoi ?
_ Rompez la formation. Que les capitaines prennent leur décision.
_ Je transmets amiral, répondit l’officier aux communications. »

Un voyant clignota rouge un instant sur la console de défense.
« Impacts essuyés, amiral. Le bouclier a tenu, sans chauffer.
_ Tir ennemi… Top ! »

L’écran principal afficha trois énormes boules de plasma arrivant à vive allure sur le croiseur.
« A l’impact, annonça l’amiral, dérivez le surplus d’énergie vers les armes bâbord, et présentez le flanc, on va les gâter. »

De nouveau, sur la console de défense, le rouge apparut. Mais il resta clignotant.
« Bouclier n°1 grillé monsieur. Mais l’énergie a été aussi dérivée que possible…
_ Armes bâbord chargée monsieur.
_ Passez sur le bouclier n°2.
_ Virage en cours. En position dans trois, deux, un, maintenant.
_ Cible acquise.
_ Faites tomber le bouclier, et feu !
_ Merde… »

L’officier de défense se leva, et se tourna vers l’amiral.
« Les boucliers ne répondent plus… »
Tout s’arrêta sur la passerelle. Les officiers subalternes ne trouvaient plus aucun officier de pont pour leur répondre. Les rapports affluaient sans personne pour les lire. L’un d’eux était pourtant celui d’un chef ingénieur demandant à modifier le câblage du système de répartition d’énergie des boucliers… Mais ils n’y avaient personne pour le lire…

Tout le monde savait ce que voulait dire un blocage des boucliers quand ils étaient allumés : ils allaient encaisser sans pouvoir répondre, ils n’avait pas assez d’énergie pour abattre eux même leur défense, ni assez pour fuir… Et lorsque le bouclier tombera, le retour d’énergie incontrôlé claquera les circuits électriques du vaisseau.

« Prévenez Phidias de notre état, et dites leur que l’on couvre leur fuite. Préparez les chasseurs.
_ Oui monsieur. »

Trois nouveaux impacts de plasma secouèrent le croiseur, alors que l’Impératrice virait de bord.

« Boucliers en surcharge ! Au prochain tir, ça sera notre baroud d’honneur. »

Voyant leur tir rebondir contre le bouclier du croiseur, les corvettes se réorientèrent pour faire face à la frégate missilière. Sans se presser, elles ouvrirent le feu une nouvelle fois, et touchèrent, à trois endroits différents, le flanc offert par la manœuvre. Le bouclier activé ne tint pas bon, et la frégate explosa, sous l’effet combiné du plasma, et des missiles parés au tir du flanc qui détonnèrent sous l’effet de la chaleur.

La Juste Marie se propulsa jusqu’à ce que le Lord Avalon fasse écran, puis mit cap vers Midfon à plein régime. Se retrouvant seul, le croiseur attendit que ces boucliers s’effondrent. Il n’y a pas grand temps entre le moment où le bouclier surcharge, et celui où la surcharge grille tout les systèmes électroniques. Mais ce temps fut assez important pour que le croiseur de bataille puisse tirer une ultime bordée.

Malgré que les corvettes avaient prévu cette possibilité, et activé leur bouclier à axions, les traits laser vinrent frapper à pleine charge les vaisseaux, surchauffant boucliers, coques et superstructures.

Les quatre vaisseaux explosèrent, les corvettes sous les tirs de laser, le croiseur sur l’emballement du générateur à fusion ne disposant plus de contrôle…

***

L’Ode aux Morts, joué par l’orchestre de la Flotte devant des centaines de soldats et d’officiers au garde à vous, ne pouvez faire passer la pilule aux huiles du Consortium.

Tous les officiers de pont, dont moi-même, fûmes longuement interrogés sur ce qui s’était passé. Cinq corvettes lourdes n’auraient pas dû gagner... Le croiseur aurait dû tirer plus vite. Les missiles auraient dû toucher les corvettes… Le destroyer aurait dû garder sa formation, au lieu de tourner trop vite…
Et pourtant, ce sont à eux que nous rendons hommages, aux équipages de l’Atlas, de l’Impératrice et du Lord Avalon.


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